« Une si longue semaine après la mort de l'étudiant Fallou Sene » Par Ahmet Mbaye

UNE SEMAINE NOIRE.

Mardi 15 Mai, il est 13H 30 nous sommes en pleine séance de révision dans la salle de lecture de la FSJP. Tel un couperet, la nouvelle s'abattit sur nous. Un étudiant est tué par les forces de l'ordre à l'UGB dans des circonstances tragiques. Immédiatement, l'Amicale des étudiants de la FSJP nous a obligé de sortir des amphithéâtres en nous demandant de la rejoindre dans un combat légitime pour la cause estudiantine mais aussi dans la logique de rendre hommage à notre martyr du nom de Fallou SENE, l'étudiant Diourbellois tué à l'Université de Saint Louis. Depuis on a du mal à comprendre ce drame. Retrouver les mots pour se prononcer sur cet événement tragique nous parait impossible. Seulement ce qu'on peut dire c'est "RIP Fallou" ou encore "que justice soit faite".

Les amphithéâtres sont boudés, les fascicules sont fermés. Les codes, les jurisprudences, les articles sont tous oubliés.
Parce qu'on est choqués, tristes, abattus et dépassés par cette tragédie.
En bref, on peut dire que c'était une semaine noire pour nous et pour tout étudiant parce qu'un de nous a été mortellement blessé par les multi-récidivistes forces de l'ordre que tout un peuple qualifie maintenant "forces du désordre" car on ne cesse de se poser des questions concernant leurs actions affreuses à l'égard de l'étudiant, s'agit-il de maintenir l'ordre ou de semer le désordre ?

ENCORE, UN ÉTUDIANT TUÉ DANS LE TEMPLE DU SAVOIR.

L'histoire de l'étudiant dans le temple du savoir est loin d'être toujours parfaite. 
D'abord avant d'être étudiant, on est un élève préoccupé par son avenir, avec un projet personnel. Réaliser son rêve détermine le choix de l'élève et justifie son abnégation. En décrochant le baccalauréat, on espère de plus en plus. Aller à l'Université parait être l'un des meilleurs choix. Comme on le surnomme le temple du savoir, le nouveau bachelier espérant pour un lendemain meilleur est évidemment rassuré. On pense en sortir avec bon nombre de diplômes et non avec un certificat de décès.
Cependant tous les rêves ne sont pas réalisés tels que voulus. Certains sont même marqués par une suite cauchemardesque.
Si on se projette dans l'histoire, on constate que malheureusement Fallou SENE n'est pas le premier étudiant tué lors des affrontements entre étudiants et forces de l'ordre. 
Dès 1968, un étudiant du nom de Salomon Khoury a été tué par les forces de l'ordre au campus social de l'Université de Dakar à l'occasion des événements de Mai 1968. Pour rappel, les étudiants revendiquaient la valorisation de la bourse et l'africanisation des études universitaires.
On ne peut oublier d'autres à savoir Balla Gaye en 2001 et Bassirou Faye en 2014 qui ont été assassinés dans des circonstances pareilles.
Alors on ne cesse de se poser des questions, l'Université est un temple du savoir ou bien un temple de la guerre ?


LA BOURSE, SOURCE DE BONHEUR OU DE MALHEUR POUR L'ÉTUDIANT ?

Être étudiant n'est pas réservé à tout le monde. C'est une véritable question de guerrier qui fait parfois la différence parce qu'étant un élément déterminant dans la vie estudiantine. 
Le défi de l'étudiant n'est pas tout simplement d'ordre pédagogique, il est aussi d'ordre social. Ce dernier conditionne même le premier dans une certaine mesure. Comme le dit un proverbe wolof « balaa nga ni naam, da nga fay nek », c'est dire que ce qui permet à l'étudiant d'être là d'abord et de penser à sa réussite dans les études c'est d'avoir une vie sociale stable et proportionnée à ses ambitions. L'autonomie financière de l'étudiant est ainsi requise. Ainsi la bourse constitue un levier important pour lui permettre de répondre à ses ambitions et à ses besoins quotidiens, voilà ce qui donne pertinence à la notion de bourse d'étude. Pourtant contrairement à ce que beaucoup pensent, une partie importante des étudiants ne dispose pas de cette bourse. Pour ceux qui l'ont, le montant est fixé à 18000 F CFA pour les uns, 36.000 F CFA pour les autres, sans oublier les étudiants du master 2 pour lesquels ce montant est fixé à 60.000 F CFA. La grande partie des étudiants qui n'ont pas la bourse dispose seulement d'une aide sociale versée annuellement. Malgré l'insuffisance de cette bourse d'étude, l'étudiant est conçu par certains comme un salarié. Mais c'est très difficile pour lui de répondre à tous ses besoins grâce à la bourse. Ceux qui viennent des régions sont confrontés pas mal de difficultés dont ils ne peuvent résoudre. Ainsi comme le dit l'adage « on ne peut vivre au dessus de ses moyens » l'étudiant comprend alors que ce qui prime c'est d'être prêt pédagogiquement car le premier objectif pour lui c'est de réussir ses études. 
De ce fait il sacrifie d'autres besoins qui sont certainement aussi importants qu'acheter un livre, fascicule ou de tout autre manuel.
Pas mal d'étudiants se sacrifient et comblent leurs besoins éventuellement grâce à une certaine somme d'argent venant du grand, de l'oncle ou de tout autre membre de la famille. L'autonomie financière n'est ainsi qu'une utopie. 
L'étudiant est confronté alors des conditions très difficiles, n'empêche son comportement laisse penser qu'il n'a aucun souci. Le plus pauvre se comporte comme étant le plus riche, peut-être c'est pour rassurer sa famille et ses amis et pour encourager ses petits frères qui rêvent de devenir des étudiants.
Force est aussi de constater que la bourse est quelquefois source de souffrance surtout avant que l'étudiant ne la perçoive. Elle vient souvent trop tard. Il est de coutume qu'on ne peut la percevoir sans souffrir au préalable. De ce fait, elle est considérée comme un médecin après la mort. Il est aussi de coutume qu'on ne peut la percevoir sans faire faire face aux forces de l'ordre ou barrer la route. Ce qui peut entrainer des conséquences désastreuses. Le mort de Fallou SENE en est une parfaite illustration. Personne ne peut concevoir que deux heures de temps après la tragédie à l'UGB, on reçoive un SMS informant du paiement des bourses après tant de souffrances.
L'étudiant devant le GAB pour retirer la bourse ne peut le faire sans penser au jeune étudiant Diourbelois tué à l'Université de Saint-Louis, "rire" ou "pleurer" dans ce contexte ?
Compte tenu de toutes ces considérations, on ne cesse de se poser des questions dont la suivante, la bourse est source de bonheur ou de malheur pour l'étudiant ?

L'ÉTERNELLE CRISE UNIVERSITAIRE

1968 - 2018 soit 50 ans que les universités sénégalaises sont confrontées à une réelle et perpétuelle crise. Les principales causes sont presque identiques. En général, on peut dire que les conditions pédagogiques et sociales ne sont pas favorables à un système universitaire souhaitable. Les étudiants sont souvent les principales victimes du mauvais système. L'enseignement supérieur dans sa généralité est à revoir. Le calendrier universitaire pose toujours problème. Le campus social et le campus pédagogique ne vont pas de pair. La bourse elle, est une question permanente. La franchise universitaire soulève beaucoup d'interrogations.
Et depuis plusieurs décennies, ces problèmes demeurent du fait de l'incompétence des autorités chargées de l'enseignement supérieur. En conséquence, la colère des étudiants est évidente. Ces derniers mènent des actions, par exemple la grève pour plus de respect et de considération débouchant à la résolution de leurs problèmes. Et malheureusement au lieu de prendre ces problèmes au sérieux, les autorités par le biais de leurs pouvoirs requièrent souvent l'intervention des forces de l'ordre. Les affrontements entre étudiants et forces de l'ordre sont ainsi récurrents.
Des conséquences tragiques comme la mort d'homme peuvent en résulter. 
En effet des mesures qui ne peuvent être pérennes sont souvent prises dans l'urgence. Les mois d'après, la même situation revient, c'est la reprise du cycle précédent.

DES AUTORITÉS INCOMPÉTENTES ET INDIGNES.

La permanence de la crise universitaire au Sénégal est due à l'incompétence des autorités étatiques.
Comme nous venons de le dire, les principales causes de tous les événements tragiques générés par ces crises sont presque les mêmes, mais l'incompétence des autorités dans la prise en charge ainsi que dans les réactions à ces événements fait défaut.
Souvent des mesures sont prises de façon urgente. De ce fait, l'application de ces mesures qui sont généralement prises de façon unilatérale par les autorités ne dure que pour un laps de temps. 
Est ce qu'il ne faut pas intégrer les différents acteurs concernés à savoir, les mouvements estudiantins, le corps professoral, l'administration pédagogique et sociale des universités, la société civile en général, dans la gestion du système universitaire et dans la résolution de cette crise ?
Est ce qu'il ne faut pas privilégier les négociations et les concertations au détriment de l'unilateralisme car l'Université est l'affaire de tout un peuple ?
On ne peut terminer sans déplorer l'attitude des autorités responsables de cette tragédie. Cette attitude qui n'est rien d'autre qu'une indignité est l'un des tares de l'autorité sénégalaise en général. Quand on a échoué, il faut savoir démissionner avant qu'il ne soit trop tard ou avant qu'on ne te limoge.
Mais malheureusement, tel n'est pas le cas au Sénégal. Voilà pourquoi on est largement dépassés par les occidentaux en terme de gouvernance.

ENTRE ÉTUDIANTS ET FORCES DE L'ORDRE, L'HISTOIRE SE RÉPÈTE ENCORE.

Entre étudiant et force de l'ordre, c'est une longue histoire.
Une histoire qui est malheureuse pour l'étudiant. C'est vrai que les forces de l'ordre agissent pour le nom et pour le compte de l'État et en particulier sous l'ordre de l'autorité compétente, mais selon les étudiants leurs actions paraissent paradoxales et assimilables de plus au désordre qu'à l'ordre.
Plus d'un parmi eux ont été tués par les forces de l'ordre. Je vais emprunter les propos de l'autre dans son article pour illustrer ceci << Sénégal du 29 Mai 1968 au 15 Mai 2018, de Salomon Khoury à Fallou Sene, 50 ans déjà que les étudiants réclament leurs bourses, mais en récoltent souvent la mort >>. Ces mots résument la triste histoire entre les forces de l'ordre et les étudiants. Cette histoire ne prendra jamais fin si le force de l'ordre en veut toujours à l'égard de l'étudiant et inversement. Cette histoire ne prendra jamais fin si l'étudiant voit toujours le force de l'ordre comme un ennemi et inversement. Cette relation ne doit pas être tendue vers une rivalité. Pas mal de forces de l'ordre étaient étudiants avant tout et pas mal d'étudiants ont l'ambition de devenir des forces de l'ordre dans le futur. Étudiant et force de l'ordre ne doivent pas être des rivaux du fait qu'ils sont de la même famille. L'étudiant a des frères et amis parmi les forces de l'ordre et inversement.
L'histoire est triste mais dépassons la avant qu'elle nous dépasse.

UNE NATION TOUTE ENTIÈRE TOUCHÉE.

Quand l'étudiant est touché, une nation toute entière est touchée. La mort de Fallou Sene en est une illustration. Celle de Salomon Khoury, de Balla Gaye et de Bassirou Faye en étaient des exemples. Mardi le 15 Mai 2018, la photo de Fallou Sene circulait dans tout le pays. Ce dernier était à la une dans tous les journaux. Les internautes, par le biais des réseaux sociaux manifestaient leur tristesse et leur colère sur l'assassinat de l'étudiant diourbelois du nom de Fallou Sene. 
Les autorités politiques et religieuses n'ont pas laissé faire. La société civile, elle non plus.
Tout cela témoigne de l'émotion de tout un peuple qui est profondément touché. L'affaire Fallou Sene n'est plus l'affaire des étudiants, mais celle de toute une nation. Le Sénégal malgré sa diversité ethnique, religieuse et culturelle est touché dans toutes ses bases.
La nation toute entière est touchée parce que quand un étudiant est tué, peut-être c'est l'avenir de toute une nation qui a été tué sans qu'on ne le sache. L'étudiant est appelé à devenir un fidèle et infatigable serviteur de la nation. Tuer l'étudiant c'est donc tuer son futur serviteur. L'étudiant est appelé à devenir un responsable dans le domaine politique, religieux culturel et social. Tuer un étudiant c'est donc mettre en péril l'avenir d'une nation car une nation sans responsable est comme une personne dépourvue de toutes les valeurs de l'humanité.

LA JUSTICE, PEUT-ON ESPÉRER CETTE FOIS-CI ?

Cette question est pour nous pertinente dans la mesure où elle fait l'objet d'une attention particulière de la part de tous les sénégalais qui espèrent que cette fois-ci, justice sera rendue à Fallou Sene et à sa famille.
Quelles que soient les circonstances dans lesquelles le fils de Pattar a été tué, toute action aboutissant à la mort d'homme est une infraction prévue et punie par la loi, qu'elle soit un assassinat un meurtre ou une homicide involontaire. 
Le pouvoir judiciaire qui est là pour nous protéger et pour garantir le respect de nos droits et libertés est beaucoup attendu. Que les choses soient éclairées et que justice soit faîte constituent la demande de tous les sénégalais aux autorités judiciaires.
Si cette question attire l'attention de plus d'un, c'est parce que des événements tragiques pareils se sont déjà passés dans notre pays et que la justice, au lieu de donner une suite favorable a déçu plus d'une fois. Ce peuple a été déçu et cette fois-ci il espère beaucoup.
Que les ou l'auteur de ces actes barbares soient traduits en justice et que leurs responsabilités soient engagées.
À notre chère justice, faites-nous confiance et répondez favorablement à notre désir de justice cette fois-ci.

LA SOLIDARITÉ ESTUDIANTINE, UN EXEMPLE.

Les événements tragiques du 15 Mai passé sont la preuve que l'étudiant est parmi les plus solidaires. L'Union et la solidarité estudiantine est un exemple à suivre.
L'événement s'est passé à l'Université Gaston Berger de Saint-Louis mais on a l'impression que c'est à l'UCAD que l'étudiant Fallou Sene a été tué. On a aussi l'impression que c'est l'UADB ou l'UASZ qui a vu son étudiant tué.
La spontanéité de la réaction des autres universités n'est que le fruit d'une union estudiantine bien en place.
Ainsi depuis le jour du drame, à l'UGB comme à l'UCAD les cours sont tous suspendus.
Pour un combat collectif dans l'intérêt de tous les étudiants, les amphithéâtres sont désertés, les facultés sont boudées.
Les étudiants exigent que des mesures soient définitivement prises pour que cette tragédie ne se reproduise plus.
La grande marche nationale des étudiants qui est prévue ce jeudi illustre l'Union et la solidarité estudiantine.
Soulignons enfin que cette solidarité estudiantine est une réalité dans le campus social. Les étudiants sont parmi les plus sociables, l'entre-aide constitue la règle au campus social. 

L'ESPOIR D'UN VILLAGE ET D'UNE FAMILLE TUÉ.

Après Bassirou Faye le 14 Août 2014, un autre fils de Diourbel est tué dans le campus universitaire le 15 Mai 2018, il s'agit cette fois-ci d'un étudiant en deuxième année de français à l'UGB. Comme nous venons de le dire, quand un étudiant est touché, une nation est entièrement touchée. De ce fait, que serait sa localité  particulièrement son village et sa famille ?
Disons que c'est l'espoir de toute une localité qui est tué. La mort de Fallou Sene, un étudiant modèle, porteur d'espoir est un coup dure pour son village et pour sa famille. 
L'espoir d'un père et d'une mère à leur fils s'est éteint, voire celui de sa femme et de son fils innocent. C'est douloureux pour la famille et pour le village. Les jeunes de Pattar ont perdu leur idole. Les élèves et étudiants de la localité ne verront plus l'étudiant modèle, leur référence, celui dont la présence tout simplement serait un signe d'espoir pour la jeunesse et pour les apprenants de la localité.
La famille de Fallou Sene, le village de Pattar et la région de Diourbel en général ne cessent de pleurer leur fils tué dans des circonstances tragiques à l'Université de Saint-Louis. 

QUI ÉTAIT FALLOU SÉNÉ ?

On ne connait pas l'étudiant en tant que tel, son nom ne nous est survenu qu'après sa mort.
Fallou Sene est un étudiant en deuxième année à l'UFR lettres et sciences humaines, section français à l'Université Gaston Bergé de Saint-Louis.
Fallou Sene était un espoir pour ses parents qui n'ont ménagé aucun effort pour sa réussite.
Fallou Sene était un étudiant en deuxième année, marié et père d'un enfant. C'est dire comment Fallou Sene a incarné très tôt la responsabilité. C'est dire comment Diourbel et Pattar avaient raison de porter leur espoir à ce jeune étudiant, père de famille.
 Et comme on vient de le dire << Tuer un étudiant c'est mettre en péril l'avenir d'une nation car une nation sans responsable est comme une personne dépourvue de toutes les valeurs de l'humanité >>. Pour le cas Fallou Sene, c'est l'avenir d'une nation qui vient d'être mis en péril car il s'agit d'un responsable au sens originel du terme qui est tué.
Fallou Sene, un intellectuel respecté et un infatigable travailleur.
Fallou Sene, quelqu'un de bien, une personne exceptionnel comme l'a témoigné son père. 
Fallou Sene, un homme de valeurs !

PAIX À SON ÂME ET QUE LA TERRE DE TOUBA LUI SOIT LÉGÈRE !