Pourquoi Macron a tout FAUX...

En conférence de presse en marge du G20, le Président de la République française Emmanuel Macron. Des propos considérés comme teintés de stéréotypes et prêtant à controverse, certains faisant même la comparaison avec le fameux discours de Dakar de l'ancien Président français Nicolas Sarkozy.
Une partie des propos équivoques contenus dans le discours du locataire de l'Elysée sera soulignée et surlignée en rouge avant de développer un peu plus les raisons pour lesquelles ces affirmations sont pour beaucoup à relativiser et très aisément, loin des conjectures et réactions passionnées.
Emmanuel Macron
"Alors, je vais vous dire, je ne crois pas une seule seconde à ce genre de raisonnement. Pardon d'être aussi direct. 
Il y a eu plusieurs enveloppes qui ont été données alors vous savez nous avons, soit nous soit dans nos équipes, des champions du monde de l'addition de milliards
Çà fait d'ailleurs des décennies qu'on vous promet des Plans Marshall pour l'Afrique et qu'on les a d'ailleurs décidés et faits. Donc si c'était aussi simple vous l'auriez constaté. Le Plan Marshall c'était un plan de reconstruction matérielle dans des pays qui avaient leurs équilibres, leurs frontières, leur stabilité.
Le défi de l'Afrique, il est totalement différent, il est beaucoup plus profond. Il est civilisationnel aujourd'hui.
 [...].
Quand des pays ont encore aujourd'hui 7 à 8 enfants par femme vous pouvez décider d'y dépenser des milliards d'euros vous ne stabiliserez rien [...] 
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Tout d'abord quel est le nombre réel d’enfants par femme en Afrique, l'observation des données révèle une réalité toute autre que ce que laissent entendre les affirmations du Président français et le simple survol de l'index établi par la Banque mondiale permet de s'en rendre compte:
Un constat déjà frappant: il n'y a qu'un seul pays parmi 54, dans cette liste sourcée et des plus fiables, où la moyenne d’enfants par femmes frise les « 7 à 8 enfants par femme » comme le disait Emmanuel Macron et c'est le Niger où le taux de natalité est d'exactement 7.6 par femme. 

LA MOYENNE D'ENFANTS PAR FEMME EN AFRIQUE EST DE 4,94.

Et d'ailleurs 16 pays du Continent ont actuellement un taux de fécondité inférieur à 4 enfants par femme l’indice moyen d’enfants étant en baisse constante depuis les années 1970 avant même que l'idée d’une politique de limitation ne soit agitée comme elle l’est depuis quelques temps après le Discours de Hambourg et des propos émanant récemment de Parlementaires de la CEDEAO qui sonnent comme écho à l’appréhension de certains quant au poids de la démographie sur les efforts de développement. 

L'évolution du taux de fécondité en Afrique subsaharienne



Cependant jamais la corrélation n’a pu être faite entre une croissance démographique et la satisfaction des besoins de chacun synonyme de développement, du rapport Bloom et Canning de 2003 il ressortait que l’Amérique latine et l’Afrique du Nord ont "toutes deux connu des réductions substantielles de la fécondité mais pas le décollage économique qu’a connu l’Asie de l’Est avec pareille chute des naissances".
Et il est tout autant pertinent la position de certains auteurs indexant une fuite de responsabilité des Chefs d'Etats africains préférant se défausser sur l'aspect démographique comme obstacle au développement mettant en avant l'effet "malthusien" qui suppose qu'un accroissement d'une population n'est viable que si le taux de croissance est positif et à la hauteur puisque l’augmentation de la population diminuerait "les rapports Homme/Terre et Homme/Ressources".
Ainsi dit, serait-ce du pessisime que d'estimer que le Continent qui compte actuellement près de 60% des terres arables inexploitées à travers le Monde alors que la FAO estimait qu'elle avait recueilli un peu moins de 10 % des investissements directs étrangers (IDE) orientés vers la filière agicole au niveau mondial entre 2003 et 2011, et un potentiel énorme en terme de richesses minières et naturelles ne puisse pas tirer profit d'une démographie que d'autres pays lui envient tout comme son taux de croissance de ces dernières années malgré tout extraordinairement positif comparé au reste du Monde même si jusqu’à présent "le développement économique africain "n’avait jamais vraiment été à l’agenda des principales économies mondiales", pour beaucoup membres du G20 aujourd'hui préoccupées par la question de l'immigration africaine vers l'Europe qui relève d'une certaine faillite.
Ainsi, tout porte à croire que la principale inquiétude tiendrait plutôt à l'intelligence des gouvernants africains et de leur politiques de développement dont l'accélération serait d'autant plus possible s'il s'agit de projets et d'actions véritablement régionales et non pas seulement "balkanisées". 
Parmi les priorités, la santé et l'éducation qui sont des plus fondamentales. Dans les vingt  prochaines années, l’Afrique subsaharienne comptera plus de main-d’œuvre que l’ensemble du reste du monde. Il faudra pour cela investir davantage dans l’éducation afin d’offrir aux jeunes une formation adaptée aux attentes du marché qu'il faudra d'ailleurs dompter au profit des locaux pour mettre fin à l'externalisation de la transformation des matières premières quasiment "bradées" du fait d'un manque d'infrastructures mais aussi d'une inventivité technologique timide contrairement à d' autres pays asiatiques moins gâtés par la nature. 
En sus, il est interessant de se pencher sur cet  article co-signé par le Vice-Président de la Banque Mondiale/Afrique où il est mentionné que l’Afrique a besoin d’industries agroalimentaires et ce pour stimuler la croissance dans les secteurs dans lesquels les populations pauvres vivent et travaillent comme l’agriculture qui emploie 60 à 70% de la population active mais ne représente que 20% de la valeur ajoutée totale dans les économies africaines, preuve d'une productivité largement insuffisante pour un secteur qui représentera 1000 milliards de dollars d’ici 2030.
Le Vice-président du Nigeria, Yemi Osinbajo, l’a d’ailleurs rappelé dans une tribune: « il ne suffit pas d’investir dans le secteur privé mais de participer à apporter une plus value à la population jeune pour qu’elle puisse impulser son développement. 
Les politiques sectorielles fortement ancrées dans une libéralisation sauvage et un abandon des politiques sociales du temps des ajustements structurels et autres interventions d'organismes financiers ont d’ailleurs été pour ne rien arranger conjuguées à une gouvernance dont il est devenu nécessaire d'ajouter le qualificatif "Bonne" comme pour illustrer qu'elle n'a jamais pu être de mise pour grand nombre de dirigeants africains qui aujourd'hui semblent avoir trouvé leur "bouc-émissaire" idéal. 
« L’explosion démographique africaine ne pourra contribuer à la croissance économique sans des investissements appropriés dans le capital humain » comme l’avait souligné Makhtar Diop, vice-président de la Banque mondiale pour la région Afrique dans le rapport 2015 de la Banque Mondiale intitulé "Africa’s Demographic Transition: Dividend or Disaster?
Et l'occasion est des plus flagrantes: pendant que la Chine perdra 150 millions d’actifs, l’Europe 96 millions, l’Afrique elle en gagnera plus de 900 millions, l'OCDE estimant que cet accroissement de la population augmenterait le Produit intérieur brut sur le Continent à  10 à 15 % à condition que soit relevé le défi du travail à offrir aux jeunes arrivant sur le marché du travail. 
Une masse démographique qu'il est aujourd'hui question de freiner en faisant fi des références culturelles et sociales des populations pour une seule considération économique à l'efficacité pas forcément prouvée.
La politique des "3 enfants" par femme comme celle de l'enfant unique de la Chine a permis d'obtenir le même résultat que celui obtenu par le Vietnam ou la Thaïlande par exemple, alors qu’aucun de ces deux pays n’a pour autant mis en place de politique de l’enfant unique.

La Chine qui d'ailleurs compte actuellement 1,37 milliards d'habitants pour une superficie de 9,597 millions km² soit le tiers de celle de l'Afrique dont la population s'élève actuellement à 1,2 milliards de personnes pour 30,37 millions km².
Et voici un tableau comparatif prouvant que l'urgence ne serait pas actuellement à parler de catastrophe démographique, surpopulation ou encore suicide démographique comme le prédisent certains...

Densité de la population (personnes par kilomètre carré de superficie terrestre) des différents Continents.
Estadística de los continentes.PNG
Par Maulucioni — Derivado de otro trabajo en Commons: File:ContinentStatistics.svg de User:Chrkl, CC BY 3.0, Lien
Tout est donc, non une question de don pour des Etats à la démarche devant être dictée mais uniquement de politique de financement loyale sur la base des besoins éventuels d'investissements listés intelligemment et de manière souveraine par les concernés dans leurs... différents "Plans".
Et quant à la question du Plan Marshall qui serait d'après Emmanuel Macron "un plan de reconstruction matérielle dans des pays qui avaient leurs équilibres, leurs frontières, leur stabilité 
Il s'agit là d'une affirmation légitimement soumise au doute par rapport à la notion "d'équilibre" et de "stabilité".
Après lecture de : « La France contemporaine, Tome III - Renouveau et solidarités », pages 24-26, publié en 1967 par L'union européenne d'éditions, il est clair que la seconde guerre mondiale a laissé un pays totalement affaibli qui n'a dû son salut qu'à l'assistance d'un pays mieux loti: Gerrard Bossuat le dit d'ailleurs sans voile dans son article. "Presque 10 ans après la Guerre mondiale la France fût un pays financièrement assisté par les Etats-Unis": " La guerre n'a épargné aucune partie du territoire métropolitain. 74 départements métropolitains sur 90 ont subi des dommages importants et plus de 20 % du capital immobilier a été détruit. En 1945, près d'un million de ménages (sur un peu plus de 12,5 millions de ménages que comptait alors la France métropolitaine) se trouvent sans abri, des villes entières ayant été rasées (Caen, Brest, Le Havre, etc.), 2 100 000 bâtiments ont été endommagés  dont 462 000 totalement détruits
Pour la France, le montant de la reconstruction s'élève à 4 milliards 900 millions de francs. Pas étonnant qu'elle fasse partie des deux pays qui se sont partagés à l'époque presque la moitié des fonds du plan Marshall, la Grande-Bretagne avec 26% du total des aides et la France avec 23% deux pays respectivement 7ème et 14ème puissances mondiales aujourd'hui et dont l'une a vu son Président proclamer un prétendu leadership dans le financement du développement africain. Le titre de "champion du Monde de l'addition de milliards que le Président français arroge à son pays ou aux membres de l'équipe (du G20)" est tout autant risible si l'on sait qu'en janvier 2016, l’instance onusienne  estimait que les flux d’IDE vers l’Afrique avaient lourdement reculé en 2015, baissant de -31,4 % à 38 milliards de dollarsUne dizaine d'années auparavant Ernest Harsch affirmait déjà que malgré leur croissance modeste, les flux d’IED en direction de l'Afrique restaient  minuscules par rapport aux flux mondiaux car n’ayant reçu en 2003 que 8,7 % des 172 milliards de dollars d’investissements accordés à l’ensemble des pays en développement alors qu'au même moment en Afrique subsaharienne les transferts de capitaux par expatriés vers la région devaient s’intensifier et passer de 35,2 milliards de dollars en 2015 à 36 milliards en 2016, soit une hausse de 3,4 %  qu'il serait intéressant de comparer avec les près de 60 milliards de dollars perdus par an par le Continent du fait des flux financiers illicites, une somme supérieure au montant de l’aide officielle au développement reçue par l’Afrique en 2012( 46,1 milliards de dollars), flux illicites dont le Vice-Président du Nigéria estime pour ce qui concerne son pays que la plupart a été "secrètement envoyée en Europe"...