"Mai 1968, Mai 2018 : autres contextes, autres faits." Par Amadou Tidiane Thiello et Moussa Ngom

Gorges sèches mais voix retentissantes,
Ventre creux mais allure altière
Haletants mais combattants.
Main dans la main pour un même combat.

Justice !
Justice !
Justice !

Est heureux celui qui sait interpréter les signes.
Est condamné au malheur celui qui ne peut apprendre de ses erreurs.

Ce à quoi nous avons assisté hier n’est que prémice d’un changement que nul ne devrait ignorer.
Hier, de jeunes étudiants ont manifesté partout dans le territoire national pour exiger que lumière soit faite mais également que cessent les tueries dans les universités à la suite du décès d’un des leurs. 

C’est le signe d’une jeunesse estudiantine forte et consciente qui exige plus de considération à son égard et plus de respect pour ses droits.

On aura pointé du doigt à tort leur « désorganisation », la « fragilité éthique » de leurs représentants, la scission inévitable qui finirait par avoir raison de leur solidarité mais ils ont prouvé le contraire à une société sénégalaise qui se refuse à s’approprier son université publique et ses déboires. 
Des jeunes à la suite de leur propre initiative portée par leurs leaders ont montré qu’ils savent se faire entendre quand ils le veulent ou y sont poussés.
Cette manifestation pacifique entrera à coup sûr dans les annales de l’histoire « estudiantine » du Sénégal et son issue sera fort déterminante sur l’avenir de l’enseignement supérieur public : le changement devra être radical ou ne sera pas.

Sans aucune manipulation, sans aucune incitation politicienne, sans aucune infiltration, ils ont manifesté paisiblement sans bavures ni destruction de biens publics.
Ces jeunes ont témoigné, par leurs actes, devant l’opinion nationale et internationale qu’ils ne sont pas des pilleurs, des casseurs encore moins des personnages violents et impulsifs comme aiment à les présenter ceux qui ne voient ou ne préfèrent voir que leurs débattements brutaux devant le péril et non le processus de déshumanisation qu’ils subissent depuis des années dans l’enceinte des campus sociaux et pédagogiques. 

Cette mobilisation qui rappelle à ceux qui y auront assisté celles ayant précédé la chute d’Abdoulaye Wade en 2012 recèle plein d’enseignements pour les gouvernants actuels et futurs. 
Elle montre une voie universitaire à dégager de ses obstacles peu médiatisés mais bien connus. Il y va du destin d’une Nation car il n’est besoin de prouver le caractère suicidaire d’une politique réformatrice dans les textes et discours mais consistant dans les faits à couper les ailes d’une force critique, novatrice et débordante d’énergie et de patriotisme, qualités qui lui valent de na pas prêter oreille aux sirènes des Universités occidentales. 

L’assurance de conditions d’études acceptables est un impératif pour ces milliers de jeunes.  Il y va de la pérennité d’un ressort non négligeable vers une émergence rêvée et d’une continuité de l’investissement consenti dans l’école publique bien qu'il ait été déficitaire depuis l’indépendance, raison de plus devrait-on dire.
Les défis économiques à relever par la connaissance scientifique sont là, la transition des économies du Monde vers de nouvelles technologies est une nécessité vitale comprise par les plus conscients, le besoin de qualification pour une démographie à forte composante jeune est accru au moment où le gouffre du chômage est on ne peut plus béant et ne peut être résorbé par la seule action de l’Etat à qui il n’est demandé que le minimum de qu’il est censé effectuer : assurer l’existence d’un climat favorable à l’éclosion sociale, éducative et professionnelle de ces citoyens, ce que peine à faire ouvertement l’Etat du Sénégal sur la question cruciale des étudiants qui semble s’amuser avec une bombe sociale à retardement.

En attendant, la preuve par « cent et un rassemblements » a été administrée que le cycle « d’assassinat » de leurs camarades ponctuant les multiples crises universitaires ne peut être toléré plus longtemps et que la duperie séculaire des autorités politiques exonérera plus quelconque personnage public de la nécessité de rendre justice et/ou de rendre le tablier en cas d’incompétence avérée. 

Frère Fallou Sène, Reposez en Paix.

Pour preuve que la solidarité estudiantine pour
 une cause collective ne peut souffrir des egos et 
particularismes universitaires, ce texte est co-écrit par 
Amadou Tidiane Thiello étudiant à l'UGB
et Moussa Ngom étudiant au CESTI/UCAD