15 Mai 1948 : chronique d’une Nakba (Catastrophe) pour les Palestiniens

1948: Début de la Guerre israélo-arabe. Plus de la moitié de la population arabe de Palestine est contrainte à l’exil et expropriée de ses terres par le tout nouvel État hébreu à l’indépendance proclamée la veille. A l’époque, les plus de 700.000 futurs "réfugiés palestiniens" fuient en espérant un retour une fois ce qu'ils appellent «l’imposture»  israélienne corrigée par l’action militaire de la Coalition arabo-palestinienne qui connaîtra finalement un échec retentissant. 

Ce 15 Mai marque donc, pour les uns, quasiment sans statut ni Etat dans un territoire palestinien « occupé, colonisé », pour les autres sans possibilité de retour sur leurs terres à cause d'une réintégration cyniquement "bloquée" par les autorités israéliennes, la  69ème commémoration d’une injustice toujours actuelle infligée aux populations palestiniennes et cautionnée par la relative "passivité" de la Communauté Internationale.


Quelques années après le conflit, la Palestine, tout comme les anciennes possessions du de l'Ex-Empire Ottoman, est placée sous tutelle des grandes puissances de l’après Première Guerre Mondiale. C’est sous le mandat de la Grande Bretagne qu’est placé le territoire en Septembre 1923 après l’approbation du Projet en 1922 par le Conseil de la Société des Nations.

Cet accord est articulé cependant autour d’un objectif : permettre la mise en place dans la durée d’un Etat pour le peuple juif en Palestine dans le respect des droits des autres « Collectivités ». En réalité une simple reprise de la Déclaration de Balfour de 1917, une lettre du Ministre des Affaires Etrangères du même nom adressée au puissant financier du mouvement sioniste, Lord Lionel
Lord Lionel Rothschild
Rothschild, dans laquelle le Royaume-Uni affirmait son soutien à la Communauté juive en ces termes: «Sympathisant avec les aspirations juives sionistes […] Le Gouvernement de sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un Foyer national pour le Peuple Juif et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif […]».


L’autre grand groupe composant la population palestinienne est celui des Arabes. Ils forment la majorité à cette époque. 560.000 contre 55.000 Juifs, avec autant de revendications indépendantistes qui seront sources de conflits souvent meurtriers entre les deux communautés d’autant plus que promesse avait été faite aux Arabes par les Britanniques de leur accorder l’autonomie en échange de leur soutien durant la Guerre contre l’armée ottomane. Déception à laquelle s’ajoute la crainte de perte de leurs terres avec l’arrivée massive des Juifs venant du Monde entier qui fait aussi partie des points forts du mandat britannique.

La grande révolte arabe de 1936-1939 matérialise une grande protestation contre les conséquences de la tutelle britannique. Immigration juive et création d’un Etat israélien sont vivement contestées, la possibilité d’un compromis pour une solution à deux Etats est catégoriquement écartée par les dirigeants Arabes. Mais cette révolte qui fera 5.000 morts parmi eux pour 300 chez les Juifs éprouve durement les forces militaires arabes. La défaite est cuisante et la proposition d’un Etat unitaire consensuel rassemblant Juifs comme Arabes comme le réclamaient ces derniers est à son tour rejetée par la Communauté juive.

La Grande Bretagne incapable de concilier ces volontés antagonistes, renonce et s’en remet à l’ONU en Février 1947.
Le Plan de Partage de 1947- ©acontresens
Huit mois plus tard l’Assemblée générale des Nations Unies adopte sa « Résolution 181 » : « Le Plan de Partage de la Palestine ». Celle-ci recommande, (une résolution de l’Assemblée Générale n’a pas valeur obligatoire) la partition de la Palestine en 3 entités indépendantes : un petit Etat arabe (40% des terres) cerné par celui Juif avec Jérusalem et sa proche banlieue devant connaitre un statut spécial de « corpus separatum » (enclave placée sous tutelle internationale) en égard à sa particularité d’être un lieu saint commun aux trois religions monothéistes et donc partagé par les deux Nations. Elle sera cependant progressivement « colonisée » par Israël à partir de la partie-Ouest à la suite de la guerre de 1948-1949 puis 1967.

Ce conflit israélo-arabe de grande ampleur est né du partage ainsi préconisé du territoire palestinien et intervient après les violences entre Juifs et arabes palestiniens sous le regard passif des Britanniques dont le mandat expire le 15 Mai 1948. La veille David Ben Gourion lit la déclaration d’Indépendance de l’Etat d’Israël à Tel-Aviv qui doit prendre effet dès le départ des forces de la Grande Bretagne. C'est le désastre... la "Nakba" pour les Palestiniens. 

Les forces arabes locales alliées cette fois aux Nations arabes voisines comme l’Arabie Saoudite, la Syrie, le Liban, l’Irak et la Jordanie sous le commandement égyptien, qui s’insurgent contre une « violation » des droits du million deux cent mille arabes palestiniens au profit des 600.000 (désormais) israéliens qui ont migré pour la plupart durant la tutelle britannique pour se « protéger» de l’antisémitisme, lancent immédiatement une offensive militaire pour reprendre Israël : le premier bombardement de Tel-Aviv est le premier acte de ce que les Israéliens considèreront comme la guerre pour l’Indépendance.

Mais la Coalition arabo-palestinienne subit un énorme revers. Les Etats la composant sont obligés de battre en retraite et de signer multiples accords d’armistice qui consacrent la victoire haut la main d’Israël.

Durant cette guerre, Israël détruit des centaines de villages arabes palestiniens et provoque le départ en exil de centaines de milliers de Palestiniens, au moins 700.000 fuyant les violences, animés par la peur de connaitre le sort de plus d'une centaine de villageois massacrés de Deir Yassin.

Israël grand gagnant de la confrontation, grâce à l’aide à cette époque de l’Union Soviétique, en profite pour reculer ses frontières et prend possession de 78% de l'ancienne « Palestine sous mandat ». Il s’agit de son territoire actuel de plus de 20.000 km au lieu des 16.000 définis dans le Plan de partage de 1947.



Les Palestiniens perdent même l’Etat propre qui leur était proposé auparavant tout comme leurs terres délaissées en actuelle Israel: la loi israélienne sur les propriétés abandonnées permet la saisie des biens de toute personne « absente » (à l’extérieur du Territoire israélien) pendant la période du 29 Novembre 1947 au 1er Septembre 1948. 


©massress
Des personnes déplacées dont la "particularité" justifie leur gestion par une entité parallèle à celle qui s’occupe en temps normal des réfugiés: l’UNRWA (Office de secours et de travaux pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient)  qui devait pourtant disparaître une fois le problème réglé sauf qu’aucune avancée n’est intervenue depuis leur départ forcé. 
"Les réfugiés palestiniens sont les personnes 
1. dont la résidence normale était la Palestine entre le 1er juin 1946 et le 15 mai 1948 ;
2. qui ont perdu leurs maisons et leurs moyens de ressources comme résultat du conflit de 1948 ;
3. qui se sont réfugiées dans l’un des pays ou régions où l’UNRWA prodigue une aide ;
4. qui sont les descendants en ligne masculine des personnes remplissant les conditions 1 à 3."
UNRWA
©lemondediplomatique
Si les réfugiés ont, du point de vue du  droit international, la possibilité de rejoindre leur pays d’origine ceux de Palestine sont eux « cantonnés » dans leur divers pays d’accueil par l’Etat hébreu qui délibérément foule au pied toute question de retour des exilés palestiniens qui constituent aujourd’hui 4 à 5 millions de réfugiés éparpillés dans les pays voisins dans l’attente d’un hypothétique retour qui constituerait par ailleurs une menace pour Israël puisque l’avantage démographique reviendrait incontestablement aux Arabes palestiniens.

Alors qu’en 1922, Churchill lui-même estimait dans son Livre Blanc que les dispositions du Mandat britannique en Palestine ne signifiaient pas que « La Palestine en entier devrait être convertie en un foyer national juif mais qu’un tel foyer devrait être fondé en Palestine », Israël a, au fil du temps, élargi sa base territoriale notamment avec la "Guerre des 6 Jours" qui lui permet d’occuper aujourd'hui l’intégralité de la Palestine en procédant par annexions et colonisation et en annihilant tout bonnement toute velléité d’existence d’un Etat Palestinien. Une conduite hors du droit en cours jusqu’à nos jours malgré toutes les résolutions condamnant la politique d’occupation poursuivie par l'Etat Hébreu.

ET JERUSALEM DANS TOUT CA?

Le contraste est saisissant en ce jour.
Liesse populaire à Jerusalem où est inaugurée une symbolique ambassade américaine, furie contestataire dans les territoires occupés où la manifestation, comme prévu, dégénère en des dizaines de morts.

Donanld Trump l'a finalement fait: transférer l'ambassade des États-Unis à Jérusalem et reconnaître de fait, chose inédite, son statut de "Capitale"  de l’Israël tel que proclamé urbi et orbi sans succès par Israël depuis des années que les ambassades des pays du monde entier (ayant des relations diplomatiques avec l'Etat hébreu) désertent le lieu controversé pour Tel-Aviv.


Bien vrai que le Congrès américain avait prévu depuis 1995 de transférer l’ambassade des Usa à Jérusalem mais avec la précaution intelligente d’une possibilité de retardement de sa mise en œuvre au gré des Présidents successifs,  la vingtaine d’années écoulée depuis lors renseigne sur la délicatesse de la question. 

Le processus de paix paraît certes n'avoir jamais été enclenché comme l'estiment certains, mais la ligne rouge, redessinée au fil des concessions palestiniennes, a encore été franchie.  
Jérusalem est (ou était..) la meilleure piste à l’heure actuelle ou le dernier lieu possible où la réconciliation peut être actée: la partition de la ville en deux, l’Est pour la Palestine, l’Ouest pour Israël et les lieux de culte sous contrôle international est une des solutions alternatives restées jusqu'à présent à l’état de projets car Israël ne démord pas de sa volonté de "s'accaparer", si ce n'est acté, Jérusalem malgré les concessions de "l'ETAT" palestinien (qui revendiquait au début sa souveraineté sur l'entièreté de Jérusalem). 

Il faut rappeler qu'après la déclaration d'Indépendance de l'État d'Israël, en 1949, Jérusalem-Ouest est proclamée capitale d'Israël. En 1967, Tsahal conquiert Jérusalem-Est et Israël déclare Jérusalem "réunifié", avant même la "Loi de Jerusalem de 1980", malgré les réprobations du Conseil de sécurité qui dans ses résolutions 476 et 478, déclare d'ailleurs que la loi israélienne établissant Jérusalem capitale « éternelle et indivisible » est nulle et non avenue, et constitue une violation du droit international.

Ces résolutions sont toujours brandies par les autorités palestiniennes mais elles font face à un déni du côté opposé.
En novembre 2011, le Premier Ministre Netanyahu déclare : « nous construisons à Jérusalem parce que c’est notre droit et notre engagement, et non pour des raisons punitives, mais en tant que droit fondamental pour notre peuple de construire dans sa capitale éternelle... Jérusalem ne se retrouvera plus jamais dans la situation qui prévalait à la veille de la guerre de 6 jours ».
Voilà qui était dit, voilà qui est fait...