Nna Stephane Njeng prêche quelques fois l’abstinence mais ne prend pas de précautions quand il s’agit de santé reproductive. Le jeune Consultant ne passe pas par quatre méthodes pour s’exprimer sur des questions aussi délicates que son domaine d’expertise dans une société sénégalaise très conservatrice.
Qu’est-ce qu’une « bonne » santé de la reproduction ?
La santé de la reproduction c’est un état de bien-être de la personne, qu’elle puisse jouir de son intégrité totale, de son être comme il le sent sur le plan sexuel, physique, psychologique, sans aucune contrainte.
Comment arrivez-vous à gérer la délicatesse du sujet dans la société sénégalaise ?
Le sujet n’est pas délicat, il n’est pas tabou contrairement à ce que pensent les gens. Au Sénégal et mêmes dans les milieux religieux, on en parle. Maintenant c’est la façon d’en parler et aussi la fréquence de la communication sur ça qui varie et qui n’est pas régulière.
Mais tous les individus dans la société sénégalaise sont exposés aux messages, à ce qu’est la santé de la reproduction, aux facteurs qui entrent dedans. Ils en parlent souvent et ils en ont conscience souvent maintenant ce degré de conscience et de sensibilité peut varier. Toutes les traditions, toutes les religions, toutes promeuvent le bien-être et la fécondité et la fécondité c’est la procréation qui entre dans le cadre de la santé de la reproduction
Donc même sans informations basiques sur les méthodes modernes on peut-être sensibilisé à la fois à la maison, à l’école, de façon basique avec des connaissances rudimentaires
Justement par rapport aux différences de point de vue, comment expliquez-vous les contestations autour de la contraception ?
Je ne dirai pas que c’est des contestations. Pour moi c’est juste une zone d’ombre qu’il faut éclaircir. Parce que la contraception est contenue dans la santé de la reproduction mais c’est pour des fins précises. Par exemple, au Sénégal, c’est clair que tout le monde utilise une méthode de contraception, même les personnes qui se disent contre, en choisissant même l’abstinence font de la contraception. Dans les us traditionnelles lorsque la Femme accouchait et devait récupérer de cet accouchement avant de faire un autre enfant il s’ensuivait son déplacement à la maison familiale avant de revenir à son maris
Ça c’est une méthode de contraception donc toute cette polémique c’est juste un manque d’informations, une communication qui n’a pas été encore faite concernant les attributs, les bénéfices de cela pour la réalisation du bien-être de tout un chacun.
Quel est le bénéfice des méthodes contraceptives selon vous ?
Les gens avaient un accès limité à des méthodes contraceptives. Le coït interrompu était fait il y a un temps en majorité. Cette méthode n’est pas efficace et comporte des risques. Maintenant du fait de la progression de la science, les couples ont plus grand accès à des méthodes contraceptives au lieu de concevoir une grossesse non désirée.
Promouvoir la contraception c’est aussi offrir ces bénéfices aux femmes qui sont violées et qui n’ont autre recours que ces méthodes, offrir aussi ces bénéfices à tout un chacun qui selon sa situation économique et autres croit qu’il ne peut pas avoir pour le moment un enfant et c’est quelque chose de fondamental d’offrir aux populations que toutes les grossesses soient désirées, que ces enfants soient éduqués, entourés de leurs parents.
Aussi, quand on parle de contraception il y a aussi un autre aspect qui est de prévenir les Maladies sexuellement transmissibles.
Quelles sont les cibles de vos campagnes de sensibilisation ?
De nos jours c’est surtout les personnes en couples, si possible les jeunes les adolescents de 15 à 35 ans. Nous communiquons avec eux parce que la sensibilisation se fait et devrait se faire bien avant l’avènement d’une vie sexuelle active. Cette forme de sensibilisation est mieux appropriée à l’Afrique et selon ma conviction personnelle les associations ont raté leur ciblage parce qu’insister sur les plus jeunes ou inclure cela dans l’éducation parce que c’est préparer de futurs parents aux défis futur. Au Sénégal il y a avait des cours d’EVF (Education à la Vie Familiale) mais maintenant ils tendent à disparaitre alors que ça aurait été plus efficace que d’autres actions.
Est-ce que l’accès aux outils de contraception est facile au Sénégal ?
Moi j’ai fait une étude en 2016 sur l’accès à ces outils au Sénégal pour les jeunes, en gros ce que nous constatons c’est que il y a certains produits qui sont accessibles et il suffit de se rendre dans les supermarchés, pharmacies pour s’en rendre compte, les préservatifs n’en parlons pas les pilules du lendemain, du surlendemain, quotidiennes sont donnés dans les postes de santé suivant une prescription, les dispositifs intra-utérins, les injections qui coûtent pas cher 200frs maximum mais il y a un contrôle assez rigoureux qui ne favorise pas cet accès et je parle là d’accès universel et total. Nous croyons que la contraception est un droit fondamental. Libre aux personnes de disposer de leur propre corps. Mais il y a un filtrage qui se fait. Il n’est pas normal quand une jeune personne part à la pharmacie pour une pilule contraceptive qu’on lui demande son statut matrimonial. Il y a la disponibilité mais l’accès, lui, n’est pas favorisé. Un prestataire de santé qui refuse une contraception à un client miner ou majeur peut être poursuivi en justice alors au Sénégal il y a beaucoup de choses à faire.
Les mineurs ont le droit d’acheter des produits contraceptifs ?
Oui !
Un filtrage fait par les agents de santé eux-mêmes, La contraception est donc toujours un sujet tabou malgré tout ?
Le fait de limiter l’accès ne signifie pas que c’est tabou, c’est par rapport à la perception des gens de la sexualité d’autrui et rien d’autre. Les prestataires de santé, outre leur rôle essaient de voir le pourquoi une personne est venue, certains émettent parfois des jugements ou critiques. Mais je vous le dis le sexe n’a jamais été tabou dans aucune société ni au Sénégal ni en Afrique.
Est-ce parce que cette facilité d’accès des produits contraceptifs pour les jeunes est un facteur de « libertinage sexuel » ?
Qu’entendez-vous par « libertinage sexuel » ?
Par rapport à une société qui voit les relations hors mariage d’un mauvais œil ?
(Irrité)
Déjà ce n’est pas que pour les personnes hors des liens de mariage qu’on peut parler de libertinage
Certains décident de le faire très tôt ou très tard, chacun exprime sa sexualité à sa façon. Maintenant faciliter l’accès des produits contraceptifs ce n’est pas un facteur de libertinage parce que les jeunes ont une vie sexuelle active au su ou à l’insu de leurs parents malgré toute la langue de bois sur la question. Il s’agit d’un libre choix et non une question de dévergondage.
Un tel discours semble contraire à ceux de la plupart des autorités religieuses sur la question, est-ce qu’une sensibilisation efficace des populations est possible sans elles ?
Ce discours, je pense qu’il n’est pas contraire aux leurs. Dans toutes les grandes religions on parle de sexualité. Mais là où les autorités religieuses insistent surtout c’est « ne pas… ne pas… » Et ils ne disent pas beaucoup « il faut… ». Je dois reconnaitre que quelque part il y a bien une éducation sexuelle explicite présente dans la religion musulmane mais la religion évoque le couple uniquement au sein du mariage hors c’est bien avant le mariage que se manifeste cette sexualité.
Cette sensibilisation est possible avec les autorités qui peuvent être suivies comme dans le passé mais dans le monde de communication, d’ouverture dans lequel nous vivons il faut dialoguer avec ces autorités. Elles ne sont pas contre. Maintenant il faut savoir faire la distinction entre contraception, planning familial et avortement qui sont des choses différentes.
Quelle est votre position sur l’idée de légalisation de l’avortement ?
L’idée plaît mais l’acte encore plus. Les femmes ont le droit de décider quand avoir un enfant tout comme la Déclaration des Droits de l’Homme affirme que tout le monde a le droit de disposer de son corps, de son orientation sexuelle. Les histoires d’abandon, d’infanticide, de gamins dans la rue montrent une fuite de responsabilités parce qu’on ne donne pas la possibilité aux gens de décider.
Dans d’autres société l’avortement légalisé permet d’éviter des situations comme les nôtres où les femmes perdent la vie en essayant d’avorter parce qu’elles ne voulaient pas d’un bébé non désiré. Dans nos réalités, je suis navré de le dire, on ne respecte pas la femme, on ne respecte pas les choix de la femme
Êtes-vous optimiste quant au vote d’une telle loi ?
Partout où il y aura le diktat des religions, des hommes sur les femmes il y aura toujours une opposition farouche et bien organisée des défenseurs des droits des femmes et donc oui nous sommes optimistes quant au vote de cette loi.